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24 avril 2016

Son dernier soupir poussé dans le micro : Adieu Papa Wemba !

L’Afrique pleure un grand homme, un homme irremplaçable. La musique congolaise a perdu une icône. Le monde de la musique a perdu une voix. Le Vieux Bokul s’en est allé. L’ange de la mort est venu le chercher à la « tâche ». À l’instar de Marc Vivien Efoé ou encore de Molière, il est mort en faisant ce qu’il aime le plus, ce pour quoi il a vécu. Plus de quarante ans de vie de scène et un impressionnant héritage discographique : c’est ce que nous laisse ce monument de la musique africaine et mondiale.



À l’aube de ce dimanche 24 Avril, le chanteur congolais de 66 ans s’est effondré sur scène pendant qu’il interprétait sa quatrième chanson. Alors qu’il était l’invité d’honneur à cette 9ème édition du FEMUA (Festival des Musiques Urbaines d’Anumabo) initié par le groupe ivoiren Magic System, Papa Wemba a eu l’honneur de clôturer cette manifestation culturelle de grande ampleur. On comprendra plus tard qu’il l’a plutôt marqué à jamais de son sceau. Car, pendant longtemps, on se souviendra de lui et on ne parlera pas de l’édition n°9 du FEMUA sans évoquer  cet événement tragique. Ceux qui étaient à ce concert, sans le vouloir et sans le savoir, lui ont rendu par leurs ovations un dernier hommage vivant.

Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba alias Papa Wemba a tiré sa révérence à Abidjan à 2400 kilomètres de sa terre natale, la République Démocratique du Congo. Ses pieds ne monteront plus jamais sur scène. Le podium d’Anumabo restera le dernier qu’il aura foulé. En Afrique centrale et ailleurs dans le monde, cette voix unique qui a été l’un des emblèmes du continent africain demeurera gravée à jamais dans les cœurs.


(Image INTERNET)


(Image INTERNET)


Ces images resteront les dernières qu’on gardera de lui... Jamais plus, cette voix limpide et légèrement éraillée qui a bercé nos vies et est devenu familière à nos oreilles ne vibrera plus d’émotion comme à son habitude. Jamais plus, nous n’entendrons le roi de la rumba congolaise chanter en live. Cependant, le chef coutumier de Molokaï nous laisse un riche héritage de plusieurs albums, le don inestimable de cet homme qui n’a pas vécu en vain.
Le 10 mars dernier, invité dans l’émission Afronight de Serge Fattoh sur Telesud, le Grand Maya a exprimé son vœu le plus cher : « le dernier concert…  je crois que ce sera sur scène que je partirai devant tous mes fans réunis ». Voilà, son vœu a été exaucé! Une étoile, un pilier important, un porte-flambeau de la musique congolaise, un grand monument africain aussi bien en notoriété qu’en qualité, Papa Wemba est aimé et adulé de ses innombrables fans et de ses pairs musiciens. Sa mort représente une perte considérable pour le monde culturel africain, laissant orphelins tous ces étoiles montantes de la musique africaine. Puisqu’il a été le moule de nombre de chanteurs africains confirmés comme Koffi Olomidé, King Kester Emeneya, Fally Ipupa. Il a tant aimé la musique qu’il est parti en la servant…



Un petit roman de la vie de l’homme…

Tout commence dans les années 1950 qui ont fini de consacrer la célèbre rumba congolaise qui déjà était à son apogée sur tout le continent africain. Plus d’un demi-siècle plus tard, elle fait toujours vibrer les cœurs, esquisser des pas de danse et raviver des souvenirs longtemps enfouis. Papa Wemba demeure l’un des messagers les plus inspirés de ce genre musical très prisé au-delà des continents. Fils d’une pleureuse professionnelle, maillon traditionnel important dans les soirées funéraires et veillées mortuaires, Papa Wemba a hérité de sa mère la passion pour la musique et le chant. Le début de la prestigieuse carrière musicale que nous lui connaissons aujourd’hui a commencé dans sa paroisse où sa voix emblématique a été un repère. Inspiré par la chanson anglo-saxonne des années 60, il s’est surnommé Jules Presley. Il a ainsi joué  et chanté dans différents groupes de la capitale, Kinshasa.

Trouvant la rumba traditionnelle un peu trop lente et dépassée, il fut l’un des pères du célèbre groupe zaïrois des années 70, Zaïko Langa Langa. Ils redynamisent cette musique et le succès est immédiat. Papa Wemba devient alors une vedette et domine son groupe. En 1975, armé de sa récente notoriété, il s’en va créer son propre groupe folklorique : Isifi Lokolé qui malheureusement aura une durée de vie très limité. Ensuite, Viva la Musica vit le jour en 1977. Composé d’à peu près quinze musiciens, ce groupe a propulsé le jeune chanteur au rang de star dans tout le Zaïre et au-delà des fleuves qui encerclent le pays. Son tube ‘’Analengo’’ lui fait faire le tour de l’Afrique avec un palmarès de vente de plus de 60.000 exemplaires.

Le roi de la rumba congolaise a commencé à perfectionner la qualité de sa musique lorsque les portes des studios d’enregistrement européens s’ouvrent pour lui au début des années 80. Mais étant toujours dépendant d’un contrat exclusif avec le label Visa 80 de Luambo Makiadi, alias Franco, il lui a fallu attendre quelques temps avant de pouvoir collaborer avec les européens. Plus tard, Papa Wemba a fait de Paris, le carrefour des musiques africaines où naît le concept du Worldmusic. Car, « qui gagne paris, gagne le cœur du monde ».

(Image INTERNET)

En Europe, Papa Wemba est non seulement un chanteur mais aussi le prince, le ‘’pape’’ de la SAPE, comprenez par là Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes. Au Congo, ce mouvement est né à la fin des années 70 et a été très populaire auprès de la diaspora zaïro-congolaise spécialement en France. La Sape ou la Sapologie est caractérisée d’abord par une élégance vestimentaire flamboyante et exagérée dont Papa Wemba lui-même est la totale personnification. Des coupes extravagantes de cheveux au choix particulier des chaussures, les jeunes s’empressent d’adopter et l’homme et son concept.

Naturellement, Papa Wemba a réalisé des feats avec de nombreux musiciens français dont Hector Zazou. Cependant,  ses allers-retours entre le Zaïre et la France ne l’empêchent pas d’effectuer de longues tournées africaines comme l’inoubliable qu’il a entrepris en avril 83 dans tout l’Est du pays jusqu’au Rwanda et au Burundi. A cette étape de sa carrière, il a déjà à son actif une soixantaine de tournées et plusieurs albums.

Après un séjour en Europe, il revient au pays en juillet 1984 avec son ‘’soukouss-new wave’’, une nouvelle tendance, et entame une vague de tournées et de concerts avec son groupe Viva la Musica. Dans le climat de crise qui caractérise cette époque, l’euphorie et la contagion des sens que véhiculent Papa Wemba et sa musique constituent un véritable remède, un baume apaisant.
En 1987, il endosse le manteau de comédien et tient le rôle principal dans le film franco-zaïrois ‘’La Vie est belle’’ dont il compose aussi la bande originale. Le 09 Décembre 1988, c’est à la Cigale à Paris qu’il célèbre la fin d’une de ses tournées internationales en organisant un concours de SAPE dans la première partie de son concert.

Entre 1990 et 2002, il a passé sa vie entre un répertoire de festivals, de concerts, de spectacles et de sortes d’albums. L’année suivante, Papa Wemba a connu des démêlés avec la police française, ce qui lui a valu trois mois et demi de détention : un intermède dans sa vie musicale. Ce bref séjour lui a permis d’avoir une nouvelle vision de la vie et ainsi de composer de nouvelles chansons avec lesquelles il a sympathisé avec son public dès sa sortie.
Lors de la visite du pape Bénoit XVI au Bénin en novembre 2011, il s’est produit à Cotonou et  a terminé l’année par des concerts au Togo et en Guinée équatoriale, avant de se rendre en 2012 au Gabon puis en Côte d’Ivoire. Un peu plus tard, après la célébration des 35 ans de son groupe Viva la Musica à Kinshasa, il chante ‘’Mode d’emploi’’ pour dire ‘’non à la balkanisation du Congo’’. En juin 2014, le chanteur sexagénaire sort le double album ‘’Maître d’école’’. Son dernier album ‘’Merci Papa’’ qui vit le jour le 7 décembre dernier a été comme la signature d’une fructueuse carrière et en même temps comme un signe d’adieu.

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