Mercredi
27 avril 1960: les douze coups de minuit venaient de sonner. Dans la nuit noire
parsemée de quelques lumières, de nombreux Togolais suivent avec attention le
discours de Sylvanus Olympio qui proclame l’accession du pays a la souveraineté
internationale. Tous saluent la naissance d’un nouvel Etat indépendant qui
sonnera le glas des querelles de jadis et rétablira la cohésion nationale.
Illusion. Les conflits interethniques et les luttes politiciennes n’ont pas
encore dit leur dernier mot.
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Le
sentier de la réconciliation : un chemin parsemé d’embuches
Il n’a fallu que quelques mois à
la jeune République pour réaliser que recoudre le tissu social n’était pas
chose aisée. L’épouvante et l’angoisse ont eu raison des sentiments de joie et
de paix retrouvées. Aux exactions commises par la milice <<Ablode
Sodja>> s’ajoutent les dérives autoritaires du parti au pouvoir. Les
actions contre la cohésion trahissaient les discours de réconciliation et d’union
nationale. << Il est du devoir de chacun d’oublier tout ce qui les a divisés
politiquement[…]pour l’intérêt supérieur de la Nation>> disait en
substances le président Olympio lors de son allocution du 25 avril 1961. Le
chef de l’Etat se souciait-il vraiment de faire taire les discordes ? Les
membres du Comité Insurrectionnel qui le renverseront plus tard n’en sont pas
convaincus.
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Ces militaires démobilisés n’hésiteront d’ailleurs pas à inscrire son paternalisme et l’atmosphère
délétère qui a prévalu lors de son passage dans les motivations du putsch. La
chute du régime Olympio serait-elle synonyme du retour de la paix ? Son beau-frère
Nicolas GRUNITZKY revenu précipitamment du Benin pour lui succéder tentera de répondre
a cette question. Homme épris de paix, il réussit a réunir les forces vives de
la nation autour d’une table ronde .
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Cette conférence aboutit à une nouvelle
constitution ou le bicéphalisme est instauré pour rétablir l’équilibre régional.
Cependant, fragilisé par les ambitions démesurées de son vice-président Antoine
Meatchi et des rivalités diverses, le gouvernement cède aux exigences de l’armée
qui réclame sa démission. <<[…]Devant les heures graves que connaissait
le pays, j’étais appelé à prendre en main les destinées de la nation
togolaise.[…] Mon unique souci a été la recherche de l’union et de la réconciliation
de tous les enfants de ce pays. […]Cette politique a porté ses fruits et doit être
poursuivie[…]je pars la tête haute car je n’ai servi que les intérêts du
Togo>> déclare Grunitzky le 13 janvier 1967.
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Pas besoin d’être analyste politique pour
savoir que ce discours n’est que d’ordre justificatif. Si la réconciliation
était en marche, qu’ est ce qui pousserait l’armée a freiner cette
aventure ? Les militaires désormais au pouvoir sous Kleber Dadjo créent un
Comité dit de <<Réconciliation Nationale>>.
Toutefois, étant plus préoccupés par sa légitimité,
ce comité jugé d incompétent est dissous par Etienne Eyadema qui prend les rênes
du pouvoir sur <<sollicitations des Togolais>>. L’homme classe le
mal togolais en deux volets : clivage Nord-Sud et antagonisme politique.
Sur la base de ce constat, il interdit alors les formations politiques et crée
un parti d’union nationale RPT. Tout laisse à penser que dans l’entendement de
ce dernier, la réconciliation se résumait a la fusion des idées plutôt qu’ à l’acceptation
de l’idée opposée. En novembre 1976, le général
Eyadema se félicitait des résultats obtenus : << L’histoire objective de
notre pays […] retiendra ce fait fondamental : un jour, les Togolais[…] déchirés
par des antagonismes irréductibles se sont retrouvés dans un seul et même
mouvement de rénovation nationale. Faisant fi des errements de jadis, ils ont décidé
de marcher fraternellement vers des horizons nouveaux[…]>>. Mais,
l’image d’un pays au bord de la <<guerre civile>> au début des années
1990 remettra en cause ce discours de façade.
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Après moult efforts de réconciliation
nationale sanctionnée par des échecs, le président Eyadema s’éteint en laissant
derrière lui un pays divisé. Son fils, Faure Gnassingbé, qui lui succède,
tentera de relever le défi. Il organise à cet effet un dialogue qui aboutit à
la signature d’un Accord Politique Global le 20 aout 2006. C’est en ce jour que
le jeune chef d’Etat s’exprime pour la première fois depuis son élection :<<[…]
Un esprit nouveau souffle sur le Togo[…]>>. Les observateurs sont
surpris plus tard d’écouter le même président dire à la veille du
cinquantenaire de l’indépendance : << […]le pays qui a montré la voie hier
offre aujourd’hui l’image désolante de la désunion[…]>>
. Somme toute, il faut dire que
la réconciliation nationale mise en place par Olympio, poursuivie par Grunitzky
et Eyadema n’est toujours pas devenue une réalité sous Faure Gnassingbé.
Pour
un avenir meilleur
Ce tour analytique nous révèle
les différents soubresauts de la vie politique togolaise. Certes, des efforts
louables sont consentis mais le bout du tunnel
n’est pas pour demain. Une nation prospère et émergente ne peut se
construire que sur les bases de la tolérance, de la fraternité et du
patriotisme. Ainsi, la politique ne doit plus être considérée comme un moyen de
détournement des causes malsaines mais comme un service à la nation. Dans le
souci d’éviter la répétition des incidents, les autorités doivent œuvrer pour
mettre fin à l’impunité par des reformes judiciaires tout en indemnisant les
victimes. Il reviendra aussi au Chef de l’Etat et aux différentes formations
qui animent la vie politique du pays de présenter des excuses solennelles aux
populations. Pour prévenir de nouveaux conflits, la place des medias ne peut
pas être sous-estimée. Ces moyens de communication doivent être associés aux
processus de communication pour un avenir <<apaisé, expurgé des rancœurs du
passé, débarrassé de toute forme d’impunité et enraciné dans l’Etat de
droit>> selon les termes du livre blanc de la CVJR.
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