Dona Beija,
Femmes de sable, Au coeur du péché, Rédemption, le Roman de la vie, Entre
justice et vengeance, Maria la del barrio, Barbarita, Rosario, Destins croisés,
El Diablo, Le Triomphe de l'Amour, La Force du destin, Saloni, La Reine du
Sud... La liste est si longue que vouloir s’en rappeler tous serait mettre à
rude épreuve sa mémoire. Autant de séries télévisées qui envahissent nos écrans
de telle sorte que parfois l’on se retrouve dans l’embarras de choix. Pour la
plupart, produits latino-américains, indiens et récemment chinois, les
télénovelas font désormais partie intégrante de la vie quotidienne de bien
d’africains. Ces séries à l’eau de rose attirent et fidélisent des millions de
téléspectateurs mais surtout de téléspectatrices surtout en Afrique
occidentale ; ce qui n’est pas pour déplaire les distributeurs de
programmes audiovisuels. Finalement, chacun y trouve son compte.
A l’origine,
moyens de divertissement télévisuel propres aux pays d’Amérique du sud et
d’Europe, les telenovelas s’exportent aujourd’hui vers plus d’une
centaine de pays à travers le monde. L’Afrique occidentale s’en est appropriée
depuis la fin des années 80. Leur consommation demeure un phénomène de
masse incluant tous les âges, les cultures et les niveaux sociaux : un
public hétérogène constitué de 90% de femmes, parfois envahies par l’émotion
jusqu’aux larmes. Elles viennent de trouver là un élément de taille qui
rivalise avec les matchs de foot en ce qui concerne les hommes.
Dans ces
feuilletons, on retrouve souvent des personnages à la recherche de l’amour
parfait, une mère célibataire élevant seule ses enfants après l'abandon ou la
mort de son mari (Marisa dans Amour à Manhattan), de jolies jeunes
femmes pauvres se servant de leur beauté et de leur charme pour réussir dans la
vie quitte à ruiner la vie d'autres personnes ou des femmes tout juste cruelles
et méchantes (exemple de Rubi dans Rubi ou Antonia Guerra dans La
Patrona), des hommes et femmes arrivistes, vénaux, avides de pouvoir et de
richesse, prêts à tout pour arriver à leurs fins, des histoires d'amour entre
des servantes crédules et des fils de la haute société . Amour, gloire, beauté,
argent, vengeance, mensonges et trahisons se côtoient, s’embrassent et
s’entremêlent parfaitement ; caractérisant le scénario des télénovelas.
Nombre d’entre eux comportent des personnages catholiques très pieux, des
religieux, un prêtre (exemple : Le triomphe de l’amour). Quasiment
toutes se terminent par un mariage entre l’héro et l’héroïne, la condamnation
ou la mort des personnages « méchants » ayant commis le
mal (Martin Acero "El Hierro" dans El Diablo ou Antonia
Guerra dans La Patrona) ; dans presque tous les cas, c’est une fin
très heureuse qui couronne les personnages ayant fait le bien et qui ont
souffert injustement. En somme, il ya toujours une leçon de morale à la fin des
feuilletons.
Les télénovelas : moteurs de changements
sociaux
Mais,
évidemment que les téléspectateurs mais surtout les téléspectatrices, chacune
selon ses convictions préfèrent tel acteur ou telle actrice à l’autre. En
conséquence, elles arrivent très facilement à se laisser convaincre et peuvent
s'identifier à un ou plusieurs personnages, à entrer dans la peau des
personnages. La plupart du temps, ce ne sont ni les tournures de langage, ni
les jeux des acteurs, ni le suspens des différentes actions qui les intéressent
mais plutôt l’habillement, la coiffure, les mauvais tours joués, les petites
méchancetés ou encore la beauté et la richesse de certains personnages qui les
éblouissent et les captivent. Et, évidemment, chacune s’évertue à imiter la
démarche, le langage ou encore l’habillement de telle ou telle actrice. C’est
ainsi, que certains n’hésitent pas à donner le nom de leur acteur ou actrice
préférée à leur enfant. Parfois, c’est un nouveau style qui est adopté portant
le nom des personnages (exemple : une forme de pain dans les années 90
appelée Dona Beija).
A travers
ces feuilletons, les téléspectatrices trouvent chacune le moyen de réaliser son
rêve : trouver l’amour parfait, savoir que d’autres mères célibataires
existent et partager leur quotidien, rêver la vie familiale idéale, vivre le
coup de foudre, goûter la tendresse et l’affection conjugale … bref c’est là
une raison pour laquelle la gente féminine apprécie particulièrement les télénovelas.
Elles s’identifient aux héroïnes et parfois même s’efforcent de les incarner.
Ainsi, les jeunes femmes célibataires puisent dans ces feuilletons le courage
et la force nécessaire pour prendre en main leur vie sentimentale et chercher
le bonheur. De même, les femmes mariées utilisent de nouvelles astuces pour
revendiquer plus d’amour, de tendresse et de liberté dans leur vie conjugale.
La plupart des thèmes abordés dans ces séries télévisées (trahison, vengeance,
adultère, mariage…) donnent lieu de réflexion et poussent à une comparaison des
réalités de part et d’autre des océans.
Les télénovelas, pour une plus grande liberté
d’expression
Une autre
innovation qu’on doit aux feuilletons, c’est la plus grande liberté de parole
sur les sujets ayant trait à la sexualité et aux sentiments, lesquels sont
réglementés par une culture qui valorise la pudeur et le contrôle des
sentiments. D’une part, les télénovelas ont permis aux femmes africaines
de contourner les règles pré-établies par la société afin d’avoir leur mot à
dire. Toutefois, compte tenu de la différence des réalités, les comportements
observés à la télé ne sont pas toujours substituables aux réalités africaines.
Ainsi, le désir des femmes de s’affirmer se heurte à des entraves dans une
société où les femmes dépendent encore financièrement de leurs maris et où la
contraception n’est pas pleinement acceptée. D’autre part, les télénovelas
constituent le sujet principal des conversations à la maison, entre élèves et
étudiants, dans les bureaux, au marché… Le suspens entre deux épisodes donne
lieu à toutes les suppositions possibles. C’est l’occasion d’aborder plus
aisément les sujets les plus embarrassants et de donner plus librement des
opinions personnelles. Dans un espace commun de discussion, les différences
d’âge et de genre tendent à disparaitre constituant ainsi un point positif
remarquable lié à l’évolution des rapports sociaux.
Les télénovelas : quelle leçon pour la
jeunesse ?
La plupart
du temps, les histoires d’amour des télénovelas influencent les
sentiments et la psychologie des adolescents faisant ainsi émerger en eux
précocement des sensations étranges qu’ils qualifient naïvement
d’ « amour ». Cela les mélangent tellement qu’ils s’embrouillent
et se démerdent à distinguer amour, passion et désir. Pour certains d’entre
eux, ils reproduisent les étreintes et gestes érotiques des acteurs et actrices
sans savoir à quoi s’attendre. Ce n’est donc pas pour rien que ces feuilletons
sont diffusés à des heures où presque toute la famille est réunie pour le
dîner. Evidemment, certains parents pensent que priver leurs enfants de les
regarder constitue la solution ; mais hélas ! Les télénovelas,
il y en a tellement et disponible partout si bien que ces interdictions ne font
que raviver l’esprit de curiosité de ces enfants. Excepté le contenu culturel
propre à ces feuilletons, ils ont un autre impact pour le moins négatif.
Généralement diffusés en soirée (aux heures de grande audience, juste avant
l’édition du journal télévisé), ils rivalisent de concurrence avec les leçons
des élèves. Aussi bien que, de nos jours, il est beaucoup plus facile pour
certains enfants de restituer le scénario de ces feuilletons et savoir par cœur
les chansons les caractérisant que de réciter leurs leçons.
Cet impact psychologique ne se limite pas seulement à la jeunesse. En effet, il est plutôt fréquent de constater même dans les bureaux, dans la rue ou au marché des adultes se précipitant pour ne pas rater un épisode.
Cet impact psychologique ne se limite pas seulement à la jeunesse. En effet, il est plutôt fréquent de constater même dans les bureaux, dans la rue ou au marché des adultes se précipitant pour ne pas rater un épisode.
Que de
disputes ces télénovelas n’ont fait éclater dans les familles ! Que
de fois chrétiennes n’ont été mises à l’épreuve! Que de grossesses
précoces ! Que de désaccords entre parents sur la manière d’éduquer leurs
enfants à ce propos ! Pour résumer, excepté certains côtés positifs, ces
feuilletons sont à l’origine de beaucoup de maux dans notre société actuelle.
En somme, le phénomène des télénovelas a pris un caractère manifestement
grandissant et généralisé auprès des populations. Qu’est-ce qui explique cet
intérêt accru ?
Retour sur les raisons d’un tel engouement
D’abord, ce
n’est que le résultat de la concurrence des chaînes de télévision locales pour
offrir le plus de feuilletons possible. Ils rivalisent de concurrence pour
satisfaire l’audience toujours assoiffée si bien qu’à l’heure actuelle, les
chaînes africaines n’ayant pas encore diffusé de télénovela sont presque
ou quasiment inexistantes. Les raisons pour expliquer ce phénomène ne sont pas
exhaustives. Cependant, le thème principal étant l’amour, il ya de quoi
expliquer cet intérêt général. Ces histoires à l’eau de rose qui célèbrent la
beauté et l’amour ne sont pas pour déplaire, surtout les femmes. « Ça fait
rêver », disent la plupart. En plus, à côté de la relative situation de
pauvreté qui caractérise la majorité des populations africaines, le thème de la
richesse et de l’argent qui circule librement ne peut les laisser indifférents.
Au-delà de ces thèmes, le décor et les acteurs principaux sont soigneusement
choisis pour captiver et faire fantasmer plus d’un : ils ont tout pour
plaire. On se rappelle comme si c’était hier de la fièvre suscitée par des
personnages comme Marimar (Marimar), Miranda Valadares (Destins
croisés), Angel Salvador (El diablo), Edouardo Montenegro (Entre
justice et vengeance)… pour ne citer que ceux-là.
Il est aussi important de souligner que les acteurs de télénovelas font
preuve d’un professionnalisme qui n’est pas toujours au rendez-vous dans le cas
des séries télévisées africaines qui, en plus d’une qualité visuelle médiocre,
présentent beaucoup de lacunes dans la prestation scénique. Ils n’y mettent pas
tout le naturel nécessaire pour les rendre vivants mais l’automatisme prend le
dessus. En bref, c’est une question d’esthétique qui le dispute à la
médiocrité. Avec ces feuilletons, nos productions locales ne peuvent avoir plus
pire ennemis.
Cela
introduit la question de l’état du 7ème art dans nos pays. Pendant
que l’évolution technologique change le visage de l’audiovisuel, où en
sommes-nous ? A cette question, il ne faut pas seulement trouver des
réponses mais chercher à résoudre le problème. Le premier pas serait de
perfectionner les matériels de travail dans le cadre du cinéma, régler les
pendules par rapport à l’évolution de la technologie. Ensuite, les divers
acteurs impliqués dans le domaine du 7ème art doivent mobiliser les
ressources nécessaires pour être en mesure de produire des films d’une bonne
qualité. Heureusement, que les pays comme l’Afrique du sud, le Nigéria, le
Ghana, la Côte d’Ivoire l’ont compris plus tôt. Pour terminer, il y a une
responsabilité partagée du côté de certains Etats africains qui n’accordent
aucun crédit à ce qui relève du champ culturel, sans mentionner
particulièrement le cinéma. Donc, pour voir nos pays se hisser sur l’échelle
mondiale, il va falloir revoir nos moyens.
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