Ce descendant d’esclave a la carrière singulière s’appelle
Cassius Clay. A dix-huit printemps, le jeune sportif est déjà médaillé d’or des
poids mi-lourds aux JO de Rome. Trois ans plus tard, il terrasse en six rounds
le champion du monde de l’époque, Sonny Liston. Mais il a fallu attendre février
1964 pour que le désormais Mohamed Ali( il s’est converti entre temps à l’Islam)
grossisse le rang de la catégorie des lourds.
Le champion rivalise désormais avec la crème
des boxeurs américains. Il disputera des dizaines de combats dont le plus célèbre
reste celui de Kinshasa en 1974 qui l’oppose à George Foreman. Alors que les sondages
sous-estiment ses capacités face à cet homme au corps bien sculpté, Ali dément
les pronostics en battant Foreman par K.O. Cependant, ses plus grandes
batailles, le sportif les a menées hors du ring.
Si sa vision première est de
voler de victoire en victoire, Mohamed Ali a aussi combattu pour revendiquer
son identité noire. <<Je suis un Noir, je suis l’homme le plus fort du monde. On n’a
pas à s’excuser d’être Noir, on n’a pas
à avoir l’air conciliant, on n’a pas à demander pitié aux Blancs. Au contraire,
il faut revendiquer sa condition d’homme noir>>, déclarait-il en
1963. Pour un natif de Louisville, zone ou les scènes racistes sont une réalité
quotidienne, survivre et se faire un nom n’ont pas toujours été chose facile.
Il a fallu surmonter la résignation des siens
et le regard des Blancs. Pour s’être trop contemplé à travers le prisme de l’homme
occidental, le Noir a fini par lui ressembler. De tous les éléments pouvant
servir à l’identifier, il ne lui reste
que la peau. L’histoire, la langue, la civilisation sont fortement altérées.
Comme un individu sans repères, il erre dans un univers ou toutes les œuvres
produites par des mains blanches lui paraissent extraordinaires.Le mythe de supériorité
du Blanc se renforce ainsi dans des esprits qui s’évertuent sans cesse de se
convaincre de leur incapacité. Les coups donnés par Mohamed Ali a l’adversaire doivent réveiller les Noirs de leur léthargie
et de leur faire prendre conscience de leurs potentialités.
L’autre ring du champion, c’est
aussi celui des questions humanitaires. En pleine guerre froide, ce fervent
musulman refuse de s’ajouter à la liste des soldats américains déployés au Viêt-Nam.
Déchue de ses titres, la star échappe a la prison et maintenu hors des tribunes
pour trois ans. << Ma conscience ne me laissera pas aller tuer mes frères ou de
pauvres gens affamés dans la boue pour la grande et puissante Amérique. Comment
pourrai-je tuer ces pauvres gens ? Mettez-moi en prison […]>>
affirmait-il. Quelques mois avant son décès, Mohamed Ali continuait de s’indigner
contre les nouveaux aspects de la guerre contemporaine que sont l’extrémisme et
l’islamophobie :<< Je suis musulman et tuer des gens
innocents n’a rien d’islamique. Les vrais musulmans savent que la violence
impitoyable va contre les principes de notre religion. Nous devons résister a
ceux qui utilisent l’islam pour faire avancer leur propre agenda personnel […]>>.
Son extinction laisse un abime qui sera difficile à
combler dans un monde ou les modèles se raréfient.
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