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01 septembre 2015

Le phénomène des graffitis à Lomé : expressions artistiques ou actes de vandalisme



Ils font partie du décor de nos villes, de nos quartiers surtout les plus anciens. Ils sont présents aux coins des rues, sur les murs, aux carrefours. Que véhiculent-ils comme information ou sont-ils uniquement les produits de quelque esprit désœuvré ? Pour en savoir plus sur ce phénomène, il est important d’interroger le cœur des graffiteurs et le regard du public.





Mot italien d’origine grec qui signifie « écrire, dessiner ou peindre », le graffiti n’est pas un produit contemporain. Il existait déjà depuis l’époque romaine. Mais, le graffiti tel que nous le connaissons aujourd’hui a été influencé par la culture hip-hop américaine des années 60. De caricatures sauvages et désordonnées, les graffitis sont maintenant devenus des créations artistiques bien élaborées. Les acteurs restent le plus souvent inconnus et le public aussi diversifié et hétérogène.

 

Moyen d’expression ou simple produit graphique 

A l’issue d’une enquête,  je suis arrivée au résultat que c’est tout un cycle communicationnel qui se forme autour de ces graffitis et qu’ils nécessitent une analyse plus approffondie. Les graffiteurs émettent un message à travers leurs œuvres à l’endroit d’un public inconnu d’eux-mêmes. Toutefois, cela ne les empêche pas de s’exprimer pour autant. Les graffitis  restent d’abord un moyen de communication à part entière.
Chercher et retrouver les graffiteurs a été une tâche quasiment difficile. Situés dans la tranche de 19 à 25 ans, ils sont de sexe masculin et leur niveau d’étude n’est généralement pas très élevé. La plupart préfèrent généralement demeurer dans l’ombre et, il n’est pas fréquent que les graffitis soient signés ou qu’un contact soit donné. La piste pour les retrouver demeure ainsi brouillée. Cependant, certains artistes y laissent une trace : un pseudonyme ou une signature discrète. D’abord, le ‘’graff’’ répond à un besoin personnel d’expression tout comme l’écriture ou la peinture. Pour l’un, « ça me permet de me défouler, de me décharger ». Pour un autre, c’est un moyen de « dire ce que je pense ». Pour un autre encore, c’est juste « un passe-temps, un moyen de m’occuper ». Toujours est-il qu’une idée, un message reste caché derrière chaque graffiti. Par l’intermédiaire de ces écritures ou peintures gravées sur les murs, l’auteur veut dénoncer une situation, exprimer un mal-être ou véhiculer un message que parfois il est le seul à comprendre. Vecteur informel d’expression, le graffiti reste aussi une empreinte, une marque visible laissée dans le temps et l’espace. Les auteurs expriment ainsi leur désir de marquer leur territoire, parce qu’ils appartiennent le plus souvent à une couche sociale défavorisée.
  
Pendant que certains regards avisés considèrent les graffitis comme œuvres artistiques dans tous les sens du terme, d’autres par contre les considèrent avec dédain et totale indifférence. Méritent-ils d’être exposés dans les galeries ou constituent-ils une part artistique indésirable ? Les avis divergent et convergent. Comment sont-ils perçus par le public ?
Destinés à des récepteurs, les graffitis suscitent aussi bien l’intérêt des uns que l’indifférence des autres. Parmi ceux qui s’y intéressent, on note pour la plupart des gens instruits empreints d’un certain sens d’analyse ; comme le révèle ce fonctionnaire : « A chaque fois que j’arrive ici et que le feu rouge s’allume, je ne peux m’empêcher de regarder ce graffitis. La première fois, j’ai simplement ri mais à mesure que j’y suis confronté cela me porte à réfléchir. Pourquoi le graffiteur a utilisé la langue anglaise comme code et pourquoi il l’a peint à ce carrefour. Je suis convaincu qu’il existe bien des réponses à ces questions ». Mais, il y en a aussi d’autres qui les regardent sans y prêter grande attention.
Cependant, beaucoup ne  les remarquent même pas, sauf s’ils sont particulièrement grands, tape-à-l’œil, coloriés ou si le message véhiculé est fort ou choquant. Il est à rappeler qu’à l’inverse des pays occidentaux, les graffitis ne font pas partie de nos cultures. Ils restent encore méconnus et, leurs valeurs artistiques méprisées.



 Mépris de l’artistique au profit du vandalisme
Si seulement ces artistes méconnus aux doigts magiques peuvent être considérés ! Cependant, seul le côté négatif est pris en compte. « Ils salissent les murs pour rien », disent les uns. Pour d’autres, « ce sont des délinquants qui refusent de travailler ». Pourtant, certains ont un avis plus indulgent, « s’ils savent aussi bien dessiner et peindre, ils feraient mieux de trouver un moyen plus légal et classique ». Il faut reconnaitre que certains graffitis présentent une certaine finesse artistique et d’autres par contre relèvent du domaine « sauvage » et désordonné. Mais, le graffiti sur les murs peut toutefois ouvrir un chemin vers la galerie ou la salle d’exposition. Ils ne seront plus considérés comme un acte de gradation de l’espace public ou privé mais plutôt comme des œuvres d’art à part entière. Cela permettra d’éduquer le public à ces pratiques afin qu’ils ne soient pas systématiquement ignorés ou rejetés.  Mais, l’idée de formalisation n’ôterait-elle pas ce sens de liberté et d’autonomie si cher à ces graffiteur et faisant l’essence même des graffitis ? Aussi, l’élitisme lié à la galerie ou à la salle d’exposition est tout à fait contraire au désir de toucher un large public.
En définitive, le graffiti dans les rues reste un moyen de reconnaissance comme le souligne un graffiteur professionnel que j’ai rencontré: « Je suis devenu professionnel par la rue. C’est à travers un graff sur un mur quelconque qu’une grande personnalité m’a trouvé. Maintenant je reçois des demandes et je vis désormais de ce travail. Mon désir, c’est de voir cet art pleinement reconnu et pris en compte un jour ». 

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