Pourquoi chez nous, ce concept
semble si controversé, à la limite complexe ? Pourquoi beaucoup ne se
sentent pas concernés ni indexés quand on en parle ? Elle semble si
lointaine, inconnue, inaccessible et « hors contexte » pour bien des
africains (surtout certains Chefs d’Etats : des exemples ? Je vous en
fais grâce). Cependant, c’est en Afrique que des millions d’électeurs affichent
dans les rues leurs insatisfactions à la suite de la proclamation des résultats.
Eh oui, notre cher continent continue de battre le record de partis politiques
dits d’ « opposition » disparates qui semblent en constant
désaccord à la fois avec eux-mêmes et avec le pouvoir en place qu’ils disent combattre
toutes griffes dehors… Dans une semaine, c’est-à-dire le 15 septembre prochain,
ce sera la Journée Internationale de la Démocratie. C’est pourquoi nous y
avons consacré le dossier de ce mois. Alors, parlons-en !
L’ancien président américain Abraham Lincoln (1809-1865) nous a laissé une des plus belles définitions : « la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. » Cependant, réduire le terme « Démocratie » à juste une définition, c’est lui faire le plus grand tort. Avant d’être complète, elle doit drainer d’autres concepts comme l’État de droit, la liberté d’expression et d’opinion, des pouvoirs juridique et militaire indépendants du pouvoir politique, la mise en place de systèmes politiques pour le choix et le remplacement du gouvernement par des élections libres et transparentes, le respect et la protection des droits de l'homme, la transparence dans les affaires publiques … Tant que ces instituions ne seront pas acquises, parler de démocratie multipartite se limitera aux beaux discours stériles.
Élections,
alternance et démocratie
Le scénario est presque le même
dans la majorité des pays africains, pour ne parler que des pays francophones. Avant,
pendant et après les élections, les évènements ne sont que copies
conformes : d’abord, campagnes électorales sur fond de violence, de
soudoiement et d’achat des voix ; ensuite, des votes multiples, des
fichiers électoraux « fait maison », des bourrages d’urnes par ci, l’emprisonnement
de militants politiques par là ; et enfin la proclamation de résultats « connus
d’avance » suivie de gigantesques crises sociales qui englobent tout ce
que vous savez déjà : voilà présenté brièvement le triste tableau des
élections en Afrique. Les événements du Burundi avant-hier, du Congo hier et du
Gabon aujourd’hui nous interpellent vivement. Pourquoi, la Démocratie est-elle
agressée par l’Afrique ? Pourquoi, tarde-t-elle à s’installer donc, cette
foutue dé-mo-cra-tie ?
Loin de limiter le concept de
Démocratie à celui d’élections libres et transparentes, il me semble cependant
que l’un constitue un pas vers l’autre. Car,
pour faire un long chemin, il suffit juste d’arriver à faire un pas. La
plupart du temps, nous avons tendance à assimiler la démocratie aux élections
paisibles et « transparentes ». Ceci semble se confirmer quand nous
considérons les pays qui ont connu le plus grand nombre d’alternances sur le
continent comme les plus « démocratiques ». Mais, en général, l’alternance
n’est rien d’autre que la preuve de l’échec du sortant – du moins, c’est ainsi
qu’elle est perçue dans les sociétés démocratiques. Mais, les élections ne sont
garanties de démocratie que lorsqu’elles sont l’expression de la volonté du
peuple. Autrement dit, ce n’est pas l’alternance qui fait la démocratie mais
elle peut être un pas vers elle. Encore faut-il que le perdant accepte son
échec et laisse la place au gagnant… Cela semble si rare dans les pays
africains que les noms des Chefs d’Etat qui ont le courage et la magnanimité de
le faire sont gravés dans l’histoire en tant qu’héros. Il est aussi à noter que
paradoxalement celui-là même qui accuse le Chef d’Etat de s’accrocher au
« trône » s’y colle une fois que lui-même y accède. Et, ainsi de
suite…
Peuples
africains, stand-up !
Les situations sociopolitiques qui
prévalent en Afrique montrent combien piètres élèves sont nos Etats à l’école
de la démocratie. L’avènement de la démocratie est mise à mal par la
persistance de considérations tribales, ethniques, consanguines ou encore
amicales dans la gouvernance. Toutefois, avec les exemples combien
encourageants des pays comme le Nigéria, le Burkina Faso et récemment le Bénin
qui se sont affranchis du cercle infernal de la non-alternance politique, il
est temps, je présume, de redéfinir la démocratie en Afrique en abandonnant
l’idée selon laquelle les sociétés africaines ne seraient pas adaptées à la
démocratie en raison de leurs organisations
traditionnelles.
En outre, qu’elles en soient
conscientes ou non, les populations se moulent généralement dans le rôle de
spectateurs de leur destin, étant seulement aguerris pour contester les résultats
frauduleux vu que le pouvoir de « faire partir X ou Y par les urnes »
leur est confisqué. Mais, c’est là une sous-estimation de leur rôle et de leur
pouvoir dans une société démocratique. Nous, sociétés civiles, sommes en
premier lieu victimes de la mal-compréhension du terme « démocratie »
et de sa pratique. Pour nous autres, elle s’apparente à un luxe que nos Etats
ne peuvent s’offrir. Ainsi, sans le vouloir et parfois sans le savoir, nous
nous faisons complices et acteurs du pauvre sort qui nous est réservé.
Eh bien, nous peuples africains,
nous voulons la démocratie et la liberté. Nous voulons une démocratie, gage de
paix et de développement durable qui préserve l’avenir de nos enfants et non
qui les endette avant même qu’ils soient nés. Une démocratie qui fasse de nous
un continent vraiment indépendant, un continent d’avenir…
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